En déréglant le métabolisme, l’excès de sucre fait plus grossir que le gras. Et c’est un cercle vicieux qui s’enclenche, car le sucré, en plus, rend accro !
Sommaire
- Le rôle de la glycémie
- Tous les sucres sont-ils délétères ?
- Peut-on parler d’addiction au sucre ?
Longtemps, on a incriminé l’excès de matières grasses
dans la prise de poids. La plupart des régimes amaigrissants traquait leur
moindre trace : c’était la mode du 0 % et de la cuisson vapeur.
Normal, les arguments en ce sens ne manquent pas :
d’une part, les graisses sont les nutriments les plus énergétiques
– 1 g de lipides apporte 9 calories, contre 4 pour les glucides
et les protéines – d’autre part, le fait de grossir se manifeste sur le
corps par l’augmentation du tissu gras.
Aujourd’hui, à l’appui des avancées scientifiques, on
en revient. « Le raccourci “c’est manger du gras qui fait engraisser” est
facile, explique le Dr Réginald Allouche.
Le rôle de la glycémie
Les choses sont en fait plus compliquées : ce
qui dérègle surtout le métabolisme, c’est l’excès de sucreries et d’aliments
riches en sucres cachés. D’ailleurs, le nombre de personnes en surpoids
évolue en même temps que l’explosion de la consommation de sucre dans nos
sociétés. »
« Tout est lié à la sécrétion d’une hormone,
l’insuline, détaille le
nutritionniste. C’est la gardienne des clés qui ouvrent nos cellules afin de
les nourrir.
Produite et libérée par le pancréas lorsque la
glycémie (taux de sucre dans le sang) augmente, consécutivement à la consommation
de glucides, elle a pour rôle de faire pénétrer le glucose dans les cellules,
afin de ramener la glycémie à une valeur normale. »
Lorsqu’il n’est pas utilisé par l’organisme (notamment
pour fournir un effort physique), le glucose qui pénètre dans les cellules est
alors mis en réserve sous forme de graisses, toujours sous contrôle de
l’insuline.
« C’est tout le paradoxe : chargé de stocker, notre
tissu adipeux emmagasine plus facilement le sucre ! »
Le problème avec les produits sucrés, c’est qu’ils entraînent une hausse
brutale de la glycémie et, par ricochet, un pic de libération d’insuline.
Plus on consomme des produits sucrés, plus on sécrète
d’insuline et plus on stocke.
À l’inverse, en diminuant la consommation de produits
sucrés, on favorise le déstockage en obligeant l’organisme à transformer ses
graisses de réserve en carburant nécessaire à son fonctionnement.
« Certes, le glucose issu des sucres est le principal
carburant de l’organisme. Mais pour cette même raison, notre métabolisme est
conçu pour en fabriquer à partir des protéines et des graisses que nous
absorbons. »
Tous les sucres sont-ils délétères ?
Non, heureusement ! Dans notre alimentation, on
distingue schématiquement les glucides simples et les glucides complexes.
Les recommandations officielles préconisent
d’apporter 50 à 55 % de l’énergie quotidienne sous forme de glucides, dont
seulement 5 % de glucides simples.
La présence de ces derniers est facilement décelable,
car ce sont eux qui donnent aux aliments leur saveur sucrée.
Certains glucides simples sont naturellement présents
dans notre alimentation : tels le lactose des produits laitiers, ou le fructose
des fruits ou du miel.
Issu de la canne à sucre ou de la betterave, le
saccharose est, lui, ajouté soit pour sucrer des aliments nature, soit pour
préparer des produits sucrés.
Très présent – et souvent de façon cachée –
dans notre alimentation, il est la cause principale de nos soucis.
Depuis quelques années, un autre sucre créé de toutes
pièces par les industriels est venu allonger cette liste : il s’agit du sirop
de glucose-fructose (ou “isoglucose” ou “sirop de maïs”), obtenu par hydrolysation
d’un ingrédient bon marché, l’amidon de maïs.
« C’est ce sucre qui est largement retrouvé dans les
produits sucrés du commerce, souligne Angélique Houlbert,
diététicienne-nutritionniste.
Il a pour particularité d’être métabolisé par le foie
et, comme il ne peut pas être stocké ailleurs, quand les apports sont trop
importants, ils sont directement convertis en graisses. »
Des excès mauvais pour la ligne, et pour la santé
Au-delà de la prise de poids, l’excès de produits
sucrés s’avère particulièrement néfaste pour la santé.
« À force de nous gaver de sucreries, nous déréglons
petit à petit notre pancréas, qui se met à sécréter trop d’insuline pour
ramener la glycémie à une valeur normale,
met en garde Réginald Allouche. S’il est trop sollicité, ce processus se
détériore : c’est l’apparition du diabète de type 2. »
Trop de sucre génère aussi un état inflammatoire
général chronique, une modification de la flore intestinale, une acidité dans
l’organisme, des troubles cardiovasculaires et de l’hypertension.
Peut-on parler d’addiction au sucre
?
« Selon certains spécialistes, on ne peut pas parler
d’addiction au sucre dans la mesure où on n’a jamais observé de personnes qui
consomment compulsivement du sucre en poudre ou en morceaux, note le Dr Allouche.
C’est plutôt à la saveur sucrée que l’on serait dépendant,
le gras ajouté dans les produits sucrés jouant le rôle de renforçateur de
goût. »
Pour le Dr William Lowenstein, spécialiste des
addictions, cette dépendance ne fait aucun doute : « On voit aujourd’hui par
imagerie cérébrale que la consommation de produits sucrés agit sur les mêmes
régions du cerveau que de nombreuses drogues. Cela apporte du plaisir, cela
apaise et on veut y revenir. »
Peut-on pour autant dire que l’on est tous accros au
sucre, dans la mesure où nous en consommons tous au moins un peu ?
« Non, relativise le Dr Lowenstein. C’est quand on décide
de diminuer sa consommation sans y parvenir qu’on est sur la mauvaise pente.
Quand vouloir n’est plus pouvoir. »
Tant que l’on conserve sa capacité de reconnaître des
récompenses variées, on n’encourt pas de risque.
« Mais lorsqu’on ne connaît plus d’autre plaisir que
celui des papilles, le système dévie et le cerveau se tourne vers la nourriture
sucrée, ajoute le
Dr Allouche.
La solution quand on veut surveiller sa consommation
de sucre passe donc aussi par un réapprentissage du plaisir autrement qu’en se
gavant de douceurs. »